BlogEntreprises
Comment détecter et résoudre les inégalités de rémunération ?
Comment détecter et résoudre les inégalités de rémunération ?
Entreprises
15
 
June
 
2022
8
 minutes

Comment détecter et résoudre les inégalités de rémunération ?

Découvrez les méthodes pour mesurer les inégalités de rémunération en entreprise et supprimer les discriminations salariales entre femmes et hommes !
Julia Lévy
DRH

En 2017, le Forum économique mondial classait l’Hexagone 129e pays sur 144 en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes. 

Et pour cause, avec un écart de rémunération de 28,5 % dans le secteur privé, les entreprises françaises réservent encore un traitement de défaveur à leurs collaboratrices. Une situation à nouveau dégradée dans la foulée de la crise sanitaire. À tel point que, selon le même Forum, « une nouvelle génération de femmes devra patienter avant d’atteindre la parité femmes-hommes ». 

Face à ce sombre constat, il revient aux organisations de prendre leur part de responsabilités et de combattre en interne ces discriminations. Mais comment identifier les différences de rémunération indues au sein de l’entreprise et quelles mesures mettre en place pour lutter contre ce fléau ? 

Epsor fait le tour de la question et vous présente une série d’outils concrets !

Seulement 2 % des entreprises respectent le principe « à travail égal, salaire égal », pourtant…

Comme le rappelle la Fondation Jean Jaurès dans son dernier rapport, les organisations ont « un rôle prépondérant à jouer dans l’égalité des rémunérations. Or, ce potentiel est loin d’avoir été exploité jusqu’à présent ». En effet, selon l’Index de l’égalité professionnelle 2022, seuls 2 % des entreprises respectent le principe « à travail égal, salaire égal », pourtant énoncé par la loi depuis 50 ans (articles L3221-1 et suivants du Code du travail). D’importants efforts sont donc attendus de la part des structures privées afin d’atteindre la parité entre les femmes et les hommes.

La raison économique devrait d’ailleurs pousser les organisations à œuvrer en faveur d’une réduction des inégalités salariales. Plus diplômées que les hommes, les femmes constituent en effet un vaste vivier de talents qu’il convient d’attirer et de fidéliser. À la clé, une société plus juste, mais aussi un gain de productivité pour les entreprises. Selon McKinsey, les structures les plus mixtes sont en effet plus susceptibles de 15 % d’obtenir de bons rendements financiers.

La détection et la résolution des inégalités représentent donc un calcul gagnant-gagnant. Dès lors, comment y procéder ?

1. Quelles solutions pour mesurer les inégalités de rémunération au sein de l’entreprise ?

Pour prendre des mesures propres à réduire les écarts de rémunération, il convient avant tout de dresser un diagnostic des inégalités salariales au sein de votre entreprise.

Comme l’explique l’économiste Rachel Silvera dans une présentation réalisée à l’occasion des « Rencontres de la MAR » 2019, les organisations disposent de différents outils, plus ou moins complexes et efficients, en vue d’analyser et d’évaluer les discriminations à l’œuvre entre leurs murs :

L’Index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

Obligatoire pour les entreprises comptant plus de 50 salariés, l’Index de l’égalité professionnelle est un outil de mesure qui s’appuie sur 5 indicateurs dont les modalités de calcul sont fixées par décret.

L’Index permet ainsi d’appréhender les écarts en matière de rémunération (40 points), d’augmentations annuelles (20 points) et de promotions (15 points). Il permet également de jauger les augmentations au retour de congé maternité (15 points) et la proportion de femmes parmi les 10 plus hautes rémunérations de l’organisation (10 points).

La Base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE)

Comme l’Index de l’égalité, la BDESE est obligatoire pour les entreprises de plus de 50 collaborateurs.

Cet outil de mesure permet d’analyser les discriminations en matière d’embauche, de formation, de promotions, de rémunération et d’équilibre des temps de vie entre les femmes et les hommes par catégorie professionnelle.

Les études économétriques

Les approches économétriques peuvent être utilisées pour mesurer les écarts de rémunération « inexpliqués » entre les femmes et les hommes.

Néanmoins, comme le souligne la CGT dans son guide Gagner l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (2017), ce type d’étude n’offre pas un point de vue réaliste sur les différences de salaire puisqu’il oblitère certains facteurs de discrimination pour comparer uniquement des postes égaux, et non des postes d’égale valeur.

Selon le syndicat, il s’agit en effet « d’étudier l’écart salarial en mesurant l’effet de certaines variables (le temps de travail, le type de postes…). On raisonne alors à poste égal, “toutes choses égales par ailleurs” et on “neutralise” certaines variables comme le temps de travail, la ségrégation professionnelle (c’est-à-dire la non-mixité des emplois), l’ancienneté, ce qui constitue la part expliquée de l’écart. ».

La comparaison des rémunérations au sein de groupes homogènes

Selon Rachel Silvera, il s’agit ici de constituer des groupes homogènes par professions et catégories socio-professionnelles (PCS) afin d’observer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes « à poste égal ».

Toujours selon l’économiste, cette méthode offre l’avantage de permettre de « repérer immédiatement les écarts importants ».

La « méthode Clerc » ou méthode de la triangulation

Cette méthode d’évaluation conçue par François Clerc, expert sur les dossiers en discrimination à la CGT, donne à voir les discriminations endurées par une salariée au fil de son parcours professionnel par comparaison avec un groupe d’employés placés dans une situation similaire. L’économiste Rachel Silvera parle ainsi de « Méthode individuelle de comparaisons de carrière d’une “discriminée” » à propos de cet outil.

Plus précisément, selon la CGT, cette approche « consiste à établir un panel de comparaison avec d’autres salarié.e.s, afin de mettre en évidence les désavantages subis par le/la salarié.e discriminé.e en matière de rémunération et d’évolution professionnelle vis-à-vis des membres du panel, à situation d’embauche comparable ou équivalente ».

La méthode du nuage de points

Le nuage de points est un outil de mesure qui permet, lui aussi, d’appréhender les différences entre les hommes et les femmes en matière d’évolution professionnelle. 

Cette approche consiste en effet à mettre en place un graphique avec en abscisse l’âge des salariés et en ordonnée leur rémunération ou leur grade, puis à représenter chaque salarié au moyen d’un point coloré (le groupe des femmes et celui des hommes étant chacun représenté par une couleur).

Selon la CGT, « cette méthode permet de lire en dynamique les trajectoires professionnelles et de rémunération. Il s’agit d’un “film” du déroulement de carrière des salarié.e.s et non pas d’une photographie statique. ».

Les études de cohortes

Une étude de cohorte consiste à suivre un groupe de salariés et un groupe de salariées au fil de temps et à comparer l’évolution de leurs carrières et rémunérations respectives en prenant en considération différentes caractéristiques (maternité par exemple).

Selon Rachel Silvera cette méthode permet de « rendre compte véritablement des retards de carrières ». Elle nécessite néanmoins d’« obtenir les données sur la longue durée » et une certaine « stabilité dans l’emploi des salarié.es. ».

La classification des emplois

Les dispositifs de classification des emplois permettent, selon Rachel Silvera, de mettre en œuvre le principe « à travail de valeur égale, salaire égal » (tel que le préconise l’Article L3221-2 du Code du travail). La méthode d’évaluation des postes du groupe Hay, mais aussi l’Outil de diagnostic pour une égale rémunération d’ONU Femmes (gratuit) entrent dans cette catégorie.

Il s’agit de déterminer la valeur des emplois de l’entreprise en se fondant sur des critères communs (créativité, autonomie, formation, expérience, etc.) auxquels sont associés des points. Une fois le score de chaque poste arrêté, ceux-ci sont classés et regroupés en une grille de classification professionnelle, laquelle permettra de jauger les différences de rémunération entre des emplois de valeur égale, mais aussi d’instaurer une grille salariale équitable. 

On le voit, cet outil de diagnostic est donc également un levier d’action puisqu’il permet de concevoir un système de rémunération plus juste. D’autres mesures peuvent néanmoins être mises en place en interne sur la base des observations réalisées au moyen des solutions évoquées ci-dessus. C’est ce que nous allons voir à présent.

Rémunération et avantages sociaux : les pratiques des entreprises en France

2. Quelles mesures pour combattre les écarts de rémunération au sein de votre entreprise ?

Sur la base des évaluations et analyses réalisées en interne, différentes mesures peuvent être mises en œuvre en vue d’instaurer l’égalité salariale au sein de l’entreprise. 

En voici une liste non exhaustive :

Prévoir une enveloppe de rattrapage

Dans une intéressante note intitulée « Combler les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes », l’ONU préconise d’évaluer régulièrement les différences de rémunération entre les postes de valeur égale (pesée et classification des postes) et de « procéder aux ajustements salariaux nécessaires pour combler les écarts de rémunération entre les sexes ».

Pour mettre en œuvre cette démarche, il convient d’adapter la politique salariale de l’organisation, notamment en prévoyant une enveloppe de rattrapage spécifique, différente de celle destinée à la négociation annuelle obligatoire (NAO), comme le propose le ministère du Travail dans une publication.

Améliorer les pratiques à l’embauche

Dans le même document, le ministère du Travail invite par ailleurs les entreprises à s’assurer de l’égalité des rémunérations lors du recrutement. 

Plusieurs mesures peuvent être envisagées dans cette perspective. Le gouvernement encourage par exemple les sociétés à effectuer des états de lieux réguliers, mais aussi à déterminer un niveau de rémunération de base pour chaque poste avant la publication de l’annonce correspondante.

D’autres solutions peuvent également être mises en place avec succès :

  • Former les managers et recruteurs aux stéréotypes de genre afin de leur permettre d’éviter de reproduire des biais sexistes lors des embauches. 
🛠 Outil :

La
communauté Gloria propose des ateliers sur ce thème. 
  • Ne pas demander leurs antécédents salariaux aux candidates et candidats. En effet, comme le rappelle l’ONU, cette pratique conduit à perpétuer les inégalités de rémunération au fil du temps. 
  • Mentionner le niveau de rémunération et les avantages sociaux associés à un poste dans l’offre d’emploi correspondante. L’objectif, permettre aux femmes, souvent désavantagées en matière de négociation salariale, d’ajuster leurs prétentions en toute connaissance de cause.

Revoir les mécanismes d’attribution des augmentations, des primes et des promotions

Comme le constate l’INSEE dans une étude publiée en 2019, « Les écarts de salaire entre femmes et hommes augmentent nettement au cours de leur vie, et en particulier lorsqu’ils ont des enfants. » Ainsi, « les mères gagnent 11 % de moins que les pères à 25 ans, mais 25 % de moins à 45 ans, alors que l’écart de salaire entre sexes chez les salariés sans enfant se maintient autour de 7 % à tout âge. ».

Il convient donc de s’assurer de l’égale répartition des augmentations et primes entre les femmes et les hommes, et a fortiori entre les mères et les pères. Pour cela, plusieurs dispositifs peuvent être mis en œuvre en interne :

  • Définir et publier les critères d’attribution des primes, augmentation et promotion pour pousser les encadrants à davantage d’objectivité et offrir aux collaboratrices les outils nécessaires pour se positionner et reprendre le contrôle sur leur évolution de carrière. Dans un épisode du podcast « Travail (en cours) » une salariée de l’entreprise Shine, qui a rendu publique sa grille de salaires, témoigne ainsi de la plus grande facilité à se situer au sein de l’organisation et à solliciter une montée en grade lorsque les critères requis sont remplis. 
  • Former les managers, DRH et collaborateurs aux biais sexistes afin d’éviter de perpétuer ces derniers et d’aider les salariées à moins se censurer lorsqu’il s’agit de négocier leurs évolutions de carrière et de rémunération. 
🛠 Outil :

Audencia et RSE Nantes proposent un « accompagnement à la négociation salariale pour les femmes » dans le cadre du projet
#négotraning. Cette formation gratuite de 3 heures est dispensée à distance ou en présentiel dans différentes villes de France. 
  • Attribuer davantage de postes à responsabilité aux femmes afin d’offrir des rôles modèles aux salariées et (possiblement) d’influer positivement sur la politique interne de la société en matière de parité.
  • Annuler l’effet des congés maternité et paternité sur l’attribution des augmentations et des primes en octroyant ces dernières aux mères et aux pères de retour de congé parental et en les calculant au prorata du temps de présence dans l’entreprise. 

Lutter contre les inégalités entre les pères et les mères

La carrière des femmes se voit grandement pénalisée par la mauvaise répartition des activités domestiques et des responsabilités familiales entre les parents. Pour rappel, selon l’INSEE, les femmes consacrent en moyenne 10 h de plus par semaine aux tâches domestiques (enfants, ménage, courses, etc.).

L’entreprise peut prendre différentes mesures pour lutter contre cette marginalisation des mères : 

  • Rallonger la durée du congé paternité afin d’encourager l’implication des pères dans les tâches domestiques dès l’arrivée d’un nouveau-né, de faciliter la reprise de poste des mères, et d’atténuer l’effet négatif de la maternité sur la carrière et la rémunération de ces dernières. 
  • Améliorer l’indemnisation du congé paternité afin de ne pas pénaliser les foyers ayant recours à ce dispositif. 
📌 Le modèle à suivre : 

Le
Parental Act, un engagement pris en 2020 par 105 entreprises de proposer au second parent un congé  rémunéré à 100 % d’une durée dépassant le délai légal du congé paternité, alors fixé à 11 jours.
  • Développer une culture d’entreprise propre à inciter les pères à s’investir, à la même hauteur que leur conjointe, dans la vie familiale, par exemple en encourageant le recours au congé paternité ou en tolérant les départs anticipés pour aller chercher les enfants à l’école.
💡 Bon à savoir :

700 entreprises ont déjà signé la
Charte de la parentalité en entreprise de l’Observatoire de l’Équilibre des Temps et de la Parentalité en Entreprise (OPE). À la clé, un engagement à mettre en place des mesures visant notamment à « faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale des salariés (…) » et à « aménager l’organisation du travail pour permettre aux personnes d’exercer leurs responsabilités familiales ». 
  • Proposer des solutions de garde aux jeunes parents tels qu’une crèche d’entreprise ou des aides pour la garde d’enfant. 
💡 Bon à savoir :

Les employeurs privés peuvent avoir recours au
Chèque Emploi Service Universel préfinancé (CESU) afin d’aider leurs collaborateurs à s’offrir une gamme de services à la personne, notamment des services de garde d’enfant. Ce dispositif profitable pour les salariés l’est également pour l’entreprise puisque cette dernière bénéficie d’avantages fiscaux et sociaux.
  • S’ouvrir au télétravail et au travail hybride afin de permettre aux parents, et notamment aux mères, de concilier vie familiale et vie professionnelle tout en conservant un emploi à temps plein s’ils le souhaitent.

Le mot de la fin...

Vous l’aurez compris, il existe de nombreux outils permettant de détecter et de supprimer les inégalités de rémunération entre les femmes et les hommes au sein des organisations.

Grâce à ces leviers, ces dernières peuvent aller au-delà des dispositions légales et faire en sorte que la parité des rémunérations des femmes et des hommes soit atteinte avant mille ans, comme le prévoit la Confédération européenne des Syndicats dans le cas de la France.

Livre Blanc Bien-être Financier
BlogEntreprises
Comment détecter et résoudre les inégalités de rémunération ?
Comment détecter et résoudre les inégalités de rémunération ?

Comment détecter et résoudre les inégalités de rémunération ?

Sommaire

1. L’épargne salariale et retraite, kézako ?
  • L’épargne salariale, comment ça marche ?
  • L’intéressement en bref
  • Intéressement & start-ups/scale-ups, le combo parfait
  • L’intéressement en chiffres
2. Une solution gagnant-gagnant !
  • Des économies pour tous
  • L’épargne salariale, un outil 360°
3. Mise en place de l’intéressement : tuto !
  • 7 choses à savoir sur l’accord d’intéressement
  • Les 3 grandes étapes à suivre
  • Les règles d’or pour un accord réussi
  • Use case #1: start-up de 200 collaborateurs
  • Use case #2 : start-up de 45 collaborateurs
4. 5 conseils pour bien choisir son prestataire
  • Le maître mot : la pédagogie
  • Une épargne qui ressemble à vos salariés !
  • L’importance d’une gamme d’investissement diversifiée • RSE : priorité aux valeurs de vos collaborateurs
  • Frais transparents & compétitifs
5. (Bonus) Soigner les finitions !
  • Les démarches administratives, on s’en occupe !
  • Communiquez, communiquez... et communiquez !
Nous gérons l’épargne de leurs salariés

En 2017, le Forum économique mondial classait l’Hexagone 129e pays sur 144 en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes. 

Et pour cause, avec un écart de rémunération de 28,5 % dans le secteur privé, les entreprises françaises réservent encore un traitement de défaveur à leurs collaboratrices. Une situation à nouveau dégradée dans la foulée de la crise sanitaire. À tel point que, selon le même Forum, « une nouvelle génération de femmes devra patienter avant d’atteindre la parité femmes-hommes ». 

Face à ce sombre constat, il revient aux organisations de prendre leur part de responsabilités et de combattre en interne ces discriminations. Mais comment identifier les différences de rémunération indues au sein de l’entreprise et quelles mesures mettre en place pour lutter contre ce fléau ? 

Epsor fait le tour de la question et vous présente une série d’outils concrets !

Seulement 2 % des entreprises respectent le principe « à travail égal, salaire égal », pourtant…

Comme le rappelle la Fondation Jean Jaurès dans son dernier rapport, les organisations ont « un rôle prépondérant à jouer dans l’égalité des rémunérations. Or, ce potentiel est loin d’avoir été exploité jusqu’à présent ». En effet, selon l’Index de l’égalité professionnelle 2022, seuls 2 % des entreprises respectent le principe « à travail égal, salaire égal », pourtant énoncé par la loi depuis 50 ans (articles L3221-1 et suivants du Code du travail). D’importants efforts sont donc attendus de la part des structures privées afin d’atteindre la parité entre les femmes et les hommes.

La raison économique devrait d’ailleurs pousser les organisations à œuvrer en faveur d’une réduction des inégalités salariales. Plus diplômées que les hommes, les femmes constituent en effet un vaste vivier de talents qu’il convient d’attirer et de fidéliser. À la clé, une société plus juste, mais aussi un gain de productivité pour les entreprises. Selon McKinsey, les structures les plus mixtes sont en effet plus susceptibles de 15 % d’obtenir de bons rendements financiers.

La détection et la résolution des inégalités représentent donc un calcul gagnant-gagnant. Dès lors, comment y procéder ?

1. Quelles solutions pour mesurer les inégalités de rémunération au sein de l’entreprise ?

Pour prendre des mesures propres à réduire les écarts de rémunération, il convient avant tout de dresser un diagnostic des inégalités salariales au sein de votre entreprise.

Comme l’explique l’économiste Rachel Silvera dans une présentation réalisée à l’occasion des « Rencontres de la MAR » 2019, les organisations disposent de différents outils, plus ou moins complexes et efficients, en vue d’analyser et d’évaluer les discriminations à l’œuvre entre leurs murs :

L’Index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

Obligatoire pour les entreprises comptant plus de 50 salariés, l’Index de l’égalité professionnelle est un outil de mesure qui s’appuie sur 5 indicateurs dont les modalités de calcul sont fixées par décret.

L’Index permet ainsi d’appréhender les écarts en matière de rémunération (40 points), d’augmentations annuelles (20 points) et de promotions (15 points). Il permet également de jauger les augmentations au retour de congé maternité (15 points) et la proportion de femmes parmi les 10 plus hautes rémunérations de l’organisation (10 points).

La Base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE)

Comme l’Index de l’égalité, la BDESE est obligatoire pour les entreprises de plus de 50 collaborateurs.

Cet outil de mesure permet d’analyser les discriminations en matière d’embauche, de formation, de promotions, de rémunération et d’équilibre des temps de vie entre les femmes et les hommes par catégorie professionnelle.

Les études économétriques

Les approches économétriques peuvent être utilisées pour mesurer les écarts de rémunération « inexpliqués » entre les femmes et les hommes.

Néanmoins, comme le souligne la CGT dans son guide Gagner l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (2017), ce type d’étude n’offre pas un point de vue réaliste sur les différences de salaire puisqu’il oblitère certains facteurs de discrimination pour comparer uniquement des postes égaux, et non des postes d’égale valeur.

Selon le syndicat, il s’agit en effet « d’étudier l’écart salarial en mesurant l’effet de certaines variables (le temps de travail, le type de postes…). On raisonne alors à poste égal, “toutes choses égales par ailleurs” et on “neutralise” certaines variables comme le temps de travail, la ségrégation professionnelle (c’est-à-dire la non-mixité des emplois), l’ancienneté, ce qui constitue la part expliquée de l’écart. ».

La comparaison des rémunérations au sein de groupes homogènes

Selon Rachel Silvera, il s’agit ici de constituer des groupes homogènes par professions et catégories socio-professionnelles (PCS) afin d’observer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes « à poste égal ».

Toujours selon l’économiste, cette méthode offre l’avantage de permettre de « repérer immédiatement les écarts importants ».

La « méthode Clerc » ou méthode de la triangulation

Cette méthode d’évaluation conçue par François Clerc, expert sur les dossiers en discrimination à la CGT, donne à voir les discriminations endurées par une salariée au fil de son parcours professionnel par comparaison avec un groupe d’employés placés dans une situation similaire. L’économiste Rachel Silvera parle ainsi de « Méthode individuelle de comparaisons de carrière d’une “discriminée” » à propos de cet outil.

Plus précisément, selon la CGT, cette approche « consiste à établir un panel de comparaison avec d’autres salarié.e.s, afin de mettre en évidence les désavantages subis par le/la salarié.e discriminé.e en matière de rémunération et d’évolution professionnelle vis-à-vis des membres du panel, à situation d’embauche comparable ou équivalente ».

La méthode du nuage de points

Le nuage de points est un outil de mesure qui permet, lui aussi, d’appréhender les différences entre les hommes et les femmes en matière d’évolution professionnelle. 

Cette approche consiste en effet à mettre en place un graphique avec en abscisse l’âge des salariés et en ordonnée leur rémunération ou leur grade, puis à représenter chaque salarié au moyen d’un point coloré (le groupe des femmes et celui des hommes étant chacun représenté par une couleur).

Selon la CGT, « cette méthode permet de lire en dynamique les trajectoires professionnelles et de rémunération. Il s’agit d’un “film” du déroulement de carrière des salarié.e.s et non pas d’une photographie statique. ».

Les études de cohortes

Une étude de cohorte consiste à suivre un groupe de salariés et un groupe de salariées au fil de temps et à comparer l’évolution de leurs carrières et rémunérations respectives en prenant en considération différentes caractéristiques (maternité par exemple).

Selon Rachel Silvera cette méthode permet de « rendre compte véritablement des retards de carrières ». Elle nécessite néanmoins d’« obtenir les données sur la longue durée » et une certaine « stabilité dans l’emploi des salarié.es. ».

La classification des emplois

Les dispositifs de classification des emplois permettent, selon Rachel Silvera, de mettre en œuvre le principe « à travail de valeur égale, salaire égal » (tel que le préconise l’Article L3221-2 du Code du travail). La méthode d’évaluation des postes du groupe Hay, mais aussi l’Outil de diagnostic pour une égale rémunération d’ONU Femmes (gratuit) entrent dans cette catégorie.

Il s’agit de déterminer la valeur des emplois de l’entreprise en se fondant sur des critères communs (créativité, autonomie, formation, expérience, etc.) auxquels sont associés des points. Une fois le score de chaque poste arrêté, ceux-ci sont classés et regroupés en une grille de classification professionnelle, laquelle permettra de jauger les différences de rémunération entre des emplois de valeur égale, mais aussi d’instaurer une grille salariale équitable. 

On le voit, cet outil de diagnostic est donc également un levier d’action puisqu’il permet de concevoir un système de rémunération plus juste. D’autres mesures peuvent néanmoins être mises en place en interne sur la base des observations réalisées au moyen des solutions évoquées ci-dessus. C’est ce que nous allons voir à présent.

Rémunération et avantages sociaux : les pratiques des entreprises en France

2. Quelles mesures pour combattre les écarts de rémunération au sein de votre entreprise ?

Sur la base des évaluations et analyses réalisées en interne, différentes mesures peuvent être mises en œuvre en vue d’instaurer l’égalité salariale au sein de l’entreprise. 

En voici une liste non exhaustive :

Prévoir une enveloppe de rattrapage

Dans une intéressante note intitulée « Combler les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes », l’ONU préconise d’évaluer régulièrement les différences de rémunération entre les postes de valeur égale (pesée et classification des postes) et de « procéder aux ajustements salariaux nécessaires pour combler les écarts de rémunération entre les sexes ».

Pour mettre en œuvre cette démarche, il convient d’adapter la politique salariale de l’organisation, notamment en prévoyant une enveloppe de rattrapage spécifique, différente de celle destinée à la négociation annuelle obligatoire (NAO), comme le propose le ministère du Travail dans une publication.

Améliorer les pratiques à l’embauche

Dans le même document, le ministère du Travail invite par ailleurs les entreprises à s’assurer de l’égalité des rémunérations lors du recrutement. 

Plusieurs mesures peuvent être envisagées dans cette perspective. Le gouvernement encourage par exemple les sociétés à effectuer des états de lieux réguliers, mais aussi à déterminer un niveau de rémunération de base pour chaque poste avant la publication de l’annonce correspondante.

D’autres solutions peuvent également être mises en place avec succès :

  • Former les managers et recruteurs aux stéréotypes de genre afin de leur permettre d’éviter de reproduire des biais sexistes lors des embauches. 
🛠 Outil :

La
communauté Gloria propose des ateliers sur ce thème. 
  • Ne pas demander leurs antécédents salariaux aux candidates et candidats. En effet, comme le rappelle l’ONU, cette pratique conduit à perpétuer les inégalités de rémunération au fil du temps. 
  • Mentionner le niveau de rémunération et les avantages sociaux associés à un poste dans l’offre d’emploi correspondante. L’objectif, permettre aux femmes, souvent désavantagées en matière de négociation salariale, d’ajuster leurs prétentions en toute connaissance de cause.

Revoir les mécanismes d’attribution des augmentations, des primes et des promotions

Comme le constate l’INSEE dans une étude publiée en 2019, « Les écarts de salaire entre femmes et hommes augmentent nettement au cours de leur vie, et en particulier lorsqu’ils ont des enfants. » Ainsi, « les mères gagnent 11 % de moins que les pères à 25 ans, mais 25 % de moins à 45 ans, alors que l’écart de salaire entre sexes chez les salariés sans enfant se maintient autour de 7 % à tout âge. ».

Il convient donc de s’assurer de l’égale répartition des augmentations et primes entre les femmes et les hommes, et a fortiori entre les mères et les pères. Pour cela, plusieurs dispositifs peuvent être mis en œuvre en interne :

  • Définir et publier les critères d’attribution des primes, augmentation et promotion pour pousser les encadrants à davantage d’objectivité et offrir aux collaboratrices les outils nécessaires pour se positionner et reprendre le contrôle sur leur évolution de carrière. Dans un épisode du podcast « Travail (en cours) » une salariée de l’entreprise Shine, qui a rendu publique sa grille de salaires, témoigne ainsi de la plus grande facilité à se situer au sein de l’organisation et à solliciter une montée en grade lorsque les critères requis sont remplis. 
  • Former les managers, DRH et collaborateurs aux biais sexistes afin d’éviter de perpétuer ces derniers et d’aider les salariées à moins se censurer lorsqu’il s’agit de négocier leurs évolutions de carrière et de rémunération. 
🛠 Outil :

Audencia et RSE Nantes proposent un « accompagnement à la négociation salariale pour les femmes » dans le cadre du projet
#négotraning. Cette formation gratuite de 3 heures est dispensée à distance ou en présentiel dans différentes villes de France. 
  • Attribuer davantage de postes à responsabilité aux femmes afin d’offrir des rôles modèles aux salariées et (possiblement) d’influer positivement sur la politique interne de la société en matière de parité.
  • Annuler l’effet des congés maternité et paternité sur l’attribution des augmentations et des primes en octroyant ces dernières aux mères et aux pères de retour de congé parental et en les calculant au prorata du temps de présence dans l’entreprise. 

Lutter contre les inégalités entre les pères et les mères

La carrière des femmes se voit grandement pénalisée par la mauvaise répartition des activités domestiques et des responsabilités familiales entre les parents. Pour rappel, selon l’INSEE, les femmes consacrent en moyenne 10 h de plus par semaine aux tâches domestiques (enfants, ménage, courses, etc.).

L’entreprise peut prendre différentes mesures pour lutter contre cette marginalisation des mères : 

  • Rallonger la durée du congé paternité afin d’encourager l’implication des pères dans les tâches domestiques dès l’arrivée d’un nouveau-né, de faciliter la reprise de poste des mères, et d’atténuer l’effet négatif de la maternité sur la carrière et la rémunération de ces dernières. 
  • Améliorer l’indemnisation du congé paternité afin de ne pas pénaliser les foyers ayant recours à ce dispositif. 
📌 Le modèle à suivre : 

Le
Parental Act, un engagement pris en 2020 par 105 entreprises de proposer au second parent un congé  rémunéré à 100 % d’une durée dépassant le délai légal du congé paternité, alors fixé à 11 jours.
  • Développer une culture d’entreprise propre à inciter les pères à s’investir, à la même hauteur que leur conjointe, dans la vie familiale, par exemple en encourageant le recours au congé paternité ou en tolérant les départs anticipés pour aller chercher les enfants à l’école.
💡 Bon à savoir :

700 entreprises ont déjà signé la
Charte de la parentalité en entreprise de l’Observatoire de l’Équilibre des Temps et de la Parentalité en Entreprise (OPE). À la clé, un engagement à mettre en place des mesures visant notamment à « faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale des salariés (…) » et à « aménager l’organisation du travail pour permettre aux personnes d’exercer leurs responsabilités familiales ». 
  • Proposer des solutions de garde aux jeunes parents tels qu’une crèche d’entreprise ou des aides pour la garde d’enfant. 
💡 Bon à savoir :

Les employeurs privés peuvent avoir recours au
Chèque Emploi Service Universel préfinancé (CESU) afin d’aider leurs collaborateurs à s’offrir une gamme de services à la personne, notamment des services de garde d’enfant. Ce dispositif profitable pour les salariés l’est également pour l’entreprise puisque cette dernière bénéficie d’avantages fiscaux et sociaux.
  • S’ouvrir au télétravail et au travail hybride afin de permettre aux parents, et notamment aux mères, de concilier vie familiale et vie professionnelle tout en conservant un emploi à temps plein s’ils le souhaitent.

Le mot de la fin...

Vous l’aurez compris, il existe de nombreux outils permettant de détecter et de supprimer les inégalités de rémunération entre les femmes et les hommes au sein des organisations.

Grâce à ces leviers, ces dernières peuvent aller au-delà des dispositions légales et faire en sorte que la parité des rémunérations des femmes et des hommes soit atteinte avant mille ans, comme le prévoit la Confédération européenne des Syndicats dans le cas de la France.

Livre Blanc Bien-être Financier

Téléchargez la ressource complète !